TEMPETE SUR LA TVA IMMOBILIERE :

L’ETAT DOIT-IL RESTITUER LA TVA SUR LA MARGE?

 

 L’examen de la proposition de loi déposée le 7 août 2009 à la Présidence de l’Assemblée Nationale par Monsieur le Député Jean-Luc WARSMANN a mis en exergue l’incompatibilité du droit interne français avec le droit communautaire.

 L’article 55 de cette proposition de loi tend notamment à assurer la mise en conformité du droit interne français avec la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, applicable depuis le 1er janvier 2007.

 Plus précisément, le rapport de la Commission des lois souligne que contrairement aux dispositions de l’article 135 de la directive, la loi française exonère de TVA les cessions de terrains à bâtir réalisées par un professionnel de l’immobilier (marchand de biens, lotisseur ou aménageur) au profit d’une personne physique destinant l’immeuble à l’édification d’une construction à usage d’habitation.

 Dans la mesure où une telle exonération de TVA est expressément exclue par l’article 135 de la Directive, la Commission Européenne a engagé, par un avis motivé du 20 novembre 2009, une procédure d’infraction à l’encontre de l’Etat français en lui demandant de modifier dans un délai de deux mois sa législation sur ce point.

 Tel est l’objet de l’article 55 de la proposition de loi susvisée.

Néanmoins, en l’état actuel des débats, le législateur français n’envisage pas le règlement des situations passées, c’est-à-dire antérieures à la promulgation de la future loi qui aura pour objet de mettre en conformité le droit français par rapport à la Directive.

 Le professionnel de l’immobilier (lotisseur ou marchand de biens) serait fondé à solliciter auprès de l’Etat français, dans la limite du délai de réclamation (31 décembre de la 2ème année qui suit celle du versement de l’impôt contesté lorsque celui-ci n’a pas donné lieu à l’établissement d’un rôle), la restitution de la TVA collectée et reversée au Trésor à raison des ventes de terrains à bâtir soumises à la TVA sur la marge.

Nul n’ignore en effet que depuis 1975, le Juge judiciaire, faisant application du principe de primauté du droit conventionnel sur le droit interne, estime qu’en cas de litige, il convient d’écarter l’application d’une disposition de droit interne contraire à une norme supérieure (notamment règlement communautaire ou directive), raisonnement suivi par le Juge administratif depuis l’arrêt du Conseil d’Etat du 20 octobre 1989 (affaire NICOLO).

 Ainsi, saisi d’une contestation émanant d’un lotisseur ayant collecté une TVA sur marge dans les conditions évoquées ci-avant, le Juge de l’Impôt constaterait que le fondement légal de cet impôt se trouve fragilisé par son caractère subsidiaire (« sous réserve du 7° ») ; en d’autres termes, la TVA sur marge due en application de l’article 257, 6° du Code Général des Impôts « cède » lorsque la TVA « immobilière » proprement dite, fondée sur l’article 257, 7° du Code Général des Impôts, trouve à s’appliquer.

 

Tel est précisément le cas lorsque la cession porte sur un terrain à bâtir, sauf lorsque ce terrain est acquis par une personne physique en vue de la construction d’une maison à usage d’habitation.

 Néanmoins, compte tenu du principe de primauté du droit international sur le droit interne, le Juge de l’impôt doit écarter l’application de la disposition de droit interne non conforme au droit communautaire, entraînant ainsi un retour au principe de l’imposition à la TVA sur la totalité du prix de vente.

Compte tenu de leur caractère subsidiaire, les dispositions de l’article 257, 6° du Code Général des Impôts ne pourraient plus constituer le fondement légal de l’imposition à la TVA d’une telle cession.

 Or, dans cette hypothèse, le professionnel de l’immobilier serait autorisé à solliciter le remboursement de la TVA initialement versée au Trésor, puisque le Code Général des Impôts et son annexe II précisent clairement que le redevable de la TVA est l’acquéreur, sauf si l’immeuble a d’ores et déjà fait l’objet d’une précédente mutation passible de la TVA.

En résumé, l’administration fiscale et, le cas échéant, le Juge de l’impôt, devraient faire droit à une telle demande de restitution à la seule condition d’établir, pour le professionnel de l’immobilier, que le terrain à bâtir vendu à un particulier personne physique n’avait pas fait l’objet d’une précédente mutation soumise à la TVA.

Il ne fait aucun doute qu’une telle argumentation ne manquera pas d’être opposée par les contribuables et/ou leurs conseils, soit aux fins de restitution de la TVA collectée sur ce fondement, soit aux fins de dégrèvement d’une imposition supplémentaire fondée sur les dispositions de l’article 257, 6° du Code Général des Impôts.

 Il conviendra alors d’examiner la solution rendue par le Juge Administratif, qui ne pourra rester étranger au préjudice financier susceptible d’être subi par le Trésor Public en cas de multiplication de ce type de contentieux ; contentieux qu’il appartient aux entreprises concernées d’engager sans attendre si elles ne veulent pas se voir opposer le délai de prescription rappelé ci-avant.