Parmi les mesures phares de la Loi « Tepa » n° 2007-1223 du 21 août 2007 figurait l'exonération[1] (en matière d'impôt sur le revenu) de la rémunération perçue par les salariés et fonctionnaires en contrepartie des heures supplémentaires ou du temps de travail additionnel.

Dans la mesure où l'article premier de cette loi confiait au pouvoir réglementaire le soin de fixer les « modalités » de cette exonération, le décret n° 2007-1430 du 04 octobre 2007 a défini, en son article premier, une liste d'indemnités allouées aux agents publics.

Faute d'être mentionnée dans cette liste, la Direction générale des Finances publiques a indiqué, dans la réponse ministérielle Jardé publiée au Journal Officiel le 29 novembre 2011, que les indemnités perçues par les praticiens hospitaliers en contrepartie du temps de travail additionnel (c'est à dire pour les heures accomplies au-delà des obligations de service hebdomadaire) ne pouvaient pas bénéficier de cette exonération d'impôt sur le revenu.

L'examen des débats parlementaires précédant l'adoption de la Loi du 21 août 2007 révèle néanmoins que les députés et sénateurs ont cité à plusieurs reprises l’exemple des praticiens hospitaliers parmi les agents publics susceptibles de bénéficier de cette exonération.

Fort de cet argument téléologique, nombre de praticiens hospitaliers ont sollicité, par voie de réclamation contentieuse, le bénéfice de cette exonération, puis contesté le refus opposé par l'administration devant le Juge de l'Impôt.

Aux termes de trois jugements rendus le 18 juin 2013[2], le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a constaté l'illégalité de l'article premier du Décret du 04 octobre 2007 et prononcé le dégrèvement partiel des cotisations d'impôt sur le revenu, à hauteur de la rémunération perçue en contrepartie du temps de travail additionnel.

La Cour administrative d'appel de Lyon[3] a retenu la même solution, confirmée par les Tribunaux administratifs de Marseille (jugement n° 1201237), ainsi que de Bordeaux (jugement n° 1200256 du 10 décembre 2013).

Compte-tenu de l'impact potentiel sur les finances publiques d'une telle jurisprudence, au demeurant contraire à la doctrine administrative, la Direction générale des Finances publiques a interjeté appel des trois jugements rendus le 18 juin 2013 par le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et enregistré un pourvoi à l'encontre de l'Arrêt rendu le 24 septembre 2013 par la Cour administrative d'appel de Lyon.

C'est donc le Conseil d'Etat qui tranchera cette question de droit ; dans l'attente de cet Arrêt, auquel l'administration sera contrainte de se conformer, les praticiens hospitaliers potentiellement concernés doivent garder à l'esprit qu'ils disposent d'un délai expirant le 31 décembre de la deuxième année suivant la mise en recouvrement de l'impôt pour adresser une réclamation contentieuse aux fins de décharge partielle des cotisations d'impôt sur le revenu assises sur un revenu global comprenant de telles indemnités (soit un délai expirant le 31 décembre 2014 pour les cotisations d'impôt sur le revenu 2011 mis en recouvrement au cours de l'année 2012), ou, en cas de réception d'une proposition de rectification, d'un délai expirant le 31 décembre de la troisième année suivant la notification d'une telle proposition de rectification.

 

 



[1]à laquelle la Loi du 16 août 2012 a mis fin à compter du 1er août 2012

[2]n° 1200471, 1200473 et 1200572

[3]Arrêt n° 12-00065

  

Fraude fiscale : vers la fin des peines complémentaires obligatoires de publication et d’affichage

 Outre les traditionnelles peines d’emprisonnement (5 ans) et d’amende (37.500 €) encourues par le contribuable reconnu coupable de fraude fiscale, le 4ème alinéa de l’article 1741 du Code Général des Impôts, dans sa version applicable jusqu’au 12 décembre 2010, faisait obligation à la juridiction répressive d’ordonner la publication intégrale ou par extraits du jugement au Journal Officiel de la République Française, ainsi que dans un autre journal (généralement local) désigné par le Tribunal, mais également l’affichage intégral ou par extraits de la décision, pendant une durée de 3 mois, sur les panneaux réservés à l’affichage des publications officielles de la Commune du domicile du contribuable, ainsi que sur la porte extérieure du ou des établissement(s) professionnel(s) de ce dernier.

 Selon ce texte, le condamné devait supporter les frais de publication et d’affichage de la décision.

 En raison du caractère obligatoire de cette peine complémentaire et de sa durée incompressible (3 mois), des plaideurs avisés ont saisi en septembre et octobre 2010 le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité tendant à voir déclarer cet alinéa contraire aux principes de nécessité et d’individualisation des peines issus de l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, composante du bloc de constitutionnalité.

 Aux termes d’une décision rendue le 10 décembre 2010, les Sages du Palais Royal adoptaient la thèse des requérants et déclaraient non-conforme à la constitution le 4ème alinéa de l’article 1741 du Code Général des Impôts, fondement légal de la peine complémentaire obligatoire de publication et d’affichage de la décision de condamnation pour fraude fiscale.

Si le législateur a pris soin de remédier, à compter du 1er janvier 2011, à cette abrogation en prévoyant désormais que la juridiction peut ordonner l’affichage de la décision prononcée et la diffusion de celle-ci (Cf IV de l’article 63 de la 4ème loi de finances rectificative pour 2010), le nouvel alinéa 4 de l’article 1741 du Code Général des Impôts ne peut concerner que les infractions commises à compter du 31 décembre 2010, lendemain de la publication au Journal Officiel de la République Française de ladite loi de finances rectificative n° 2010-1658.

 En effet, puisqu’une disposition déclarée inconstitutionnelle à l’issue d’une question prioritaire de constitutionnalité est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou, le cas échéant, d’une date ultérieure fixée par cette décision, le 4ème alinéa de l’article 1741 du Code Général des Impôts a donc été abrogé dès le 

12 décembre 2010, lendemain de la publication de la décision au Journal Officiel, les Sages du Palais Royal n’ayant pas souhaité différer les effets de cette inconstitutionnalité.

Dès lors que le principe de la rétroactivité « in mitius » de la loi pénale plus douce conduit à faire application de celle-ci aux faits commis avant son entrée en vigueur, il s’ensuit que les infractions commises avant le 12 décembre 2010, date d’entrée en vigueur de la « loi nouvelle » plus douce (article 1741 du Code Général des Impôts dépourvu de son alinéa 4) ne peuvent être sanctionnées par cette peine complémentaire de publication et d’affichage.

 Quant aux infractions commises entre les 12 et 31 décembre 2010, celles-ci échappent également au champ d’application « ratione temporis » des nouvelles dispositions du 4ème alinéa de l’article 1741 du Code Général des Impôts issues de l’article 63 de la 4ème loi de finances rectificative pour 2010, puisque seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs de l’infraction ont été commis.

 Reste alors à déterminer la date de constitution du délit de fraude fiscale ; date de souscription de la déclaration minorée en cas d’insuffisance déclarative ou date limite de souscription de la déclaration en cas de retard ou d’omission déclarative.

 La décision rendue le 10 décembre 2010 par le Conseil constitutionnel illustre, en tant que de besoin, les multiples possibilités offertes aux plaideurs par la question prioritaire de constitutionnalité, notamment en matière fiscale.